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le 3 septembre 2018

Coup d’Etat citoyen : ces initiatives qui réinventent la démocratie

72 % des Français pensent que la démocratie est en danger. Ce système de gouvernance pourtant réputé le meilleur au monde atteindrait-il ses limites ? La politique d’aujourd’hui est sans doute bien éloignée de ce qu’auraient souhaité nos ancêtres lors de la Révolution. Comment en est-on arrivé là ?
La démocratie, c’est une évidence aujourd’hui, nous ne nous imaginons même pas vivre sous un autre régime. Héritage de la Révolution française à grands coups de guillotine, le régime représentatif électif apparaît à l’époque comme l’aboutissement ultime de la démocratie, la seule façon de lutter contre l’autoritarisme et l’absolutisme de l’Ancien Régime. Évidemment ce ne sont pas les paysans et autres roturiers qui ont pris les commandes du pouvoir, mais une élite triée sur le volet. Très tôt le peuple a été conditionné à l’idée que gouverner c’était « un métier », réservé aux plus éclairés et érudits, l’élite en somme.

Une démocratie au point mort

La démocratie traverse aujourd’hui une double crise, une crise d’efficacité et une crise de légitimité. Cela se vérifie par l’abstention au cours des dernières élections, mais aussi par le nombre de personnes réellement inscrites dans des partis politiques. De l’extrême gauche à l’extrême droite, la France ne compte que 350 000 encartés, soit 0,5 % de sa population. Les Français considèrent également à 90 % que leurs représentants ne les prennent pas suffisamment en compte. Quelles sont alors les réponses ? Au-delà des solutions institutionnelles qui sont souvent proposées, il y a la sortie du système. D’autres pays l’ont fait, c’est possible, d’autant plus que les Français, malgré leur profonde déception de la gouvernance, aiment réellement la politique et veulent la pratiquer à leur échelle.


Toute société a besoin d’une aristocratie, surtout une République. Mais il est vrai que celle dont s’est dotée la nôtre, avec sa haute administration, commence à ressembler à la noblesse d’Ancien Régime : trop de privilèges et pas assez de service. » C’est en ces termes que Roger Fauroux, Énarque, évoque la haute fonction publique française. La Révolution française a donc coupé la tête de la monarchie pour la remplacer par celle de l’aristocratie. Nous sommes ainsi passés d’une aristocratie héréditaire à une aristocratie choisie. Le pouvoir est détenu depuis des décennies par un seul et même type de personnes, les élites. A 99 % issus des mêmes écoles et des mêmes milieux, ils se connaissent tous et évoluent ensemble. Entre affaires judiciaires et petits arrangements, on peut se demander aujourd’hui s’il existe encore de vrais serviteurs de la nation désintéressés…

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Voyage au coeur des initiatives citoyennes

« Tous les citoyens ont droit de concourir personnelle- ment, ou par leurs représentants, à la formation (de la Loi)…» Article 6 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen. Le citoyen donc peut être à l’initiative des lois, mais dans les faits ?

Dans les faits c’est très complexe, et la réforme que Nicolas Sarkozy avait portée sur ce sujet à l’époque est restée lettre morte. Puisque la démocratie représentative semble ne plus être le système le plus adapté, que le mandat impératif, si cher à Rousseau, est enterré ; comment chacun peut-il contribuer plus directement à la fabrication des lois et des normes ?

 


Il faut sortir de la démocratie représentative et élective. Le citoyen ne doit plus être réduit à son seul rôle d’électeur, ni être considéré comme quantité négligeable dans l’intervalle électoral. Il peut certes donner son opinion tous les cinq et six ans, mais il a très peu de possibilités d’agir et d’influer au cours des mandats. Qui a donc le pouvoir ? Comment redonner le pouvoir aux citoyens et sortir de cette « démocratie intermittente », comme certains l’appellent, pour instituer une démocratie continue ?

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De l’outil virtuel…

En 2012, une réforme constitutionnelle finlandaise voit le jour : grâce au Citizen Initiativ Act, les citoyens peuvent saisir directement le Parlement. Si 50 000 Finlandais-es (soit 1,7% de la population) proposent une loi, celle-ci sera étudiée par le Parlement. Open Ministry est la plateforme qui leur permet d’activer ce droit en trois temps : d’abord elle permet d’organiser le débat citoyen afin de créer un consensus, ensuite elle offre un appui juridique en vue d’évaluer si la mesure entre dans le cadre d’un projet de loi, enfin elle aide à la mobilisation pour atteindre le seuil de citoyens requis pour la présentation du projet de loi. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cela fonctionne car cette participation citoyenne a déjà été activée à six reprises en cinq ans.

…À l’initiative terrain

Si la transformation du débat qui passe par le numérique permet de toucher de nouveaux citoyens, nous ne sommes pas pour autant tous hyper connectés. Il ne suffit pas d’appuyer sur un bouton pour révolutionner la démocratie. Le numérique doit être un complément aux initiatives sur le terrain. C’est comme cela qu’en Irlande, en 2013, 66 citoyen-ne-s (accompagnés de 33 élu-e-s) ont été tiré-e-s au sort pour élaborer une loi concernant le mariage homosexuel qui agitait alors la société irlandaise. En Islande, suite au discrédit de toute la classe politique enlisée dans la crise financière de 2008, le peuple s’est approprié d’un bout à l’autre, sans aucun professionnel de la politique, la réécriture de toute la Constitution. Au bout du processus, ce sont 23 citoyens élus qui ont travaillé à la réécriture de cette première Constitution 2.0. Afin de jouer la carte de la transparence, tous les débats étaient retransmis en direct et chacun des Islandais pouvait intervenir pour donner son avis. En 2012, 67 % des citoyens ont approuvé cette Constitution par référendum. Cette nouvelle forme de gouvernance, qui consiste à dé-professionnaliser la politique et à se replacer dans une posture d’humilité, a été également expérimentée à Saillans, en France (Drôme). Dans ce village de 1 300 habitants, le maire et le premier adjoint prennent les décisions ensemble, en binôme. Un travail sur les rémunérations a également été effectué, plus les élus s’impliquent, plus leur rémunération est élevée. Normal, me direz-vous…


Nous avons les moyens à terme pour que les représentants ne s’écartent plus jamais de la volonté de ceux qui les ont élus - Pia Mancini, co-fondatrice du partido de la Red argentin.

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Les infiltrés

Une autre stratégie consiste à détourner ou « hacker » le système de l’intérieur. C’est ainsi que certains parlementaires se présenteront aux élections législatives en 2017 sans programme, avec pour seule mission de représenter directement les citoyens. Ils se feront les porteparoles du consensus qui aura émergé sur la plateforme internet Mavoix.info. Ils interviendront à l’Assemblée conformément à ce qui s’est décidé sur la plateforme. Ce modèle hybride est tout aussi séduisant mais il reste pour l’instant un modèle qui, comme tant d’autres, demande à être mis à l’épreuve du réel. À nous, citoyens, de sortir de la critique stérile, de la protestation maussade et de se mettre en action, en binôme avec les représentants politiques, de ne plus s’opposer les uns aux autres. Cette collaboration permettra de lutter contre les lobbies et la finance dont l’influence est aujourd’hui prépondérante et va à l’encontre de l’intérêt général.

INFO +

Lors des élections, nous soutenons un candidat, celui qui nous ressemble le plus et avec lequel nous partageons des valeurs et une vision commune. Pourtant cet élu ne pourra jamais être totalement en phase avec toutes nos idées. Comment peut-il savoir ce que nous pensons des OGM, du réchauffement climatique ou du nucléaire ? Aucun élu ne peut représenter fidèlement et en permanence des milliers d’électeurs sur tous les sujets, et c’est bien normal. Pour autant des solutions pour une démocratie plus juste existent : la démocratie liquide. Avec ce système, toutes les grandes décisions de société doivent être prises par voie référendaire. Mais on ne peut pas passer son temps dans un bureau de vote, direz-vous. C’est exact, c’est pourquoi chaque citoyen peut déléguer son vote à une personne de confiance qu’il estime mieux renseignée sur ce sujet en particulier. Cette personne peut à son tour déléguer le sien (ce n’est pas une procuration), créant ainsi une chaîne de confiance. Cette nouvelle forme de démocratie se situe à mi-chemin entre la démocratie directe (où les citoyens sont amenés à s’exprimer directement sur tous les sujets) et la démocratie représentative (où les citoyens doivent s’en remettre pendant plusieurs années aux décisions prises par ceux et celles qu’ils ont élus). Elle permet l’émergence de nouveaux leaderships, encourage les individus à créer un réseau, mobilise les experts et ouvre le débat et la décision à une grande diversité de personnes

int(2074)

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27 août 2018

Erreur 404 : Démocratie not found

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